Révolution
En 1516, Leonard de Vinci vient s’installer dans la ville d’Amboise pour travailler à la construction du plus délirant des châteaux français : Chambord. Mais l’architecte commandité par le roi François 1er meurt trois ans plus tard, douze mois seulement après le début des travaux. Il laisse un château sur papier mais il y a conçu un escalier central à quatre volées, seule esquisse de Léonard à réellement avoir vu le jour. Spirale illusoire et ludique, l’escalier magique à double vis de Chambord est devenu un modèle référent d’architecture montante et descendante. Le comté évoque parfaitement cette forme d’hélice, qui, doublée, est aussi celle de l’ADN. Cette matérialisation en 3D d’un délire à la Maurits Cornelis Escher donne furieusement envie d’être croquée à pleines dents.
Povera
Défi à la société de consommation, l’Arte Povera nait à la fin des années soixante comme un mouvement de contestation. Les artistes recourent aux matériaux naturels, pauvres ou de rebus, symboles d’un art devant se construire sur le rien matériel, le tout spirituel. Ainsi, entre nature (la fermentation, l’affinage, la moisissure) et culture (le savoir faire, les hommes, la tradition), ces Povera de Camembert, Chaource et Brillat-Savarin ne sont qu’empilage de pâtes tendres au cœur moelleux. A la façon des Montres Molles de Salvador Dali (dont l’idée lui est d’ailleurs venue après la dégustation d’un camembert coulant), les petits monticules ne résistent pas au poids de l’excès de crème et de gras. Ces crémeux s’enchevêtrent en une jolie pose inattendue jusqu’à obtempérer et se figer en une attitude libre et naturelle. Une véritable pièce montée molle et vivante, expression de la sensualité unique des fromages.
Povera
Défi à la société de consommation, l’Arte Povera nait à la fin des années soixante comme un mouvement de contestation. Les artistes recourent aux matériaux naturels, pauvres ou de rebus, symboles d’un art devant se construire sur le rien matériel, le tout spirituel. Ainsi, entre nature (la fermentation, l’affinage, la moisissure) et culture (le savoir faire, les hommes, la tradition), ces Povera de Camembert, Chaource et Brillat-Savarin ne sont qu’empilage de pâtes tendres au cœur moelleux. A la façon des Montres Molles de Salvador Dali (dont l’idée lui est d’ailleurs venue après la dégustation d’un camembert coulant), les petits monticules ne résistent pas au poids de l’excès de crème et de gras. Ces crémeux s’enchevêtrent en une jolie pose inattendue jusqu’à obtempérer et se figer en une attitude libre et naturelle. Une véritable pièce montée molle et vivante, expression de la sensualité unique des fromages.
Bauhaus
Rectiligne n’est pas fromage. Ce met français, parfois en carrés, est surtout en rondeurs. Les 1200 variétés comptent surtout des cœurs, des seins, des cylindres, des roues. Mais pourtant, pour faciliter la découpe, l’on s’évertue de transformer ces arrondis en angles droits. Le fromager intervient à la manière d’un designer qui pense la forme et la fonction à la fois. On arrive ainsi sur les plateaux à des œuvres constructivistes qui rapprochent du monde des architectes. « Le but de toute activité plastique est la construction », proclame en 1919 le manifeste du Bauhaus, «nous devons tous revenir au travail artisanal ». Chaque meule se fait un peu l’écho de cet appel. Et in fine, dans l’assiette, chacun peut jouer à sa façon comme une structure en Kapla, fabriquer sa propre architecture de saveurs, de formes et de couleurs avec des portions découpées. Empiler une succession de dés, de rectangles ou de tranches, des morceaux choisis pour une cité d’exception.
Accumulation
Quand les Français se marient, ils ont pour habitude de terminer le repas de noces par une pièce montée. Empilage de gâteaux surmontés d’un petit couple factice, cette pâtisserie monumentale est toujours sujette à beaucoup d’attention. Clairement inspirée de formes architecturales, la pièce montée classique est faite d’un subtil empilage de choux garnis de crème. La taille de cette pyramide festive est en général à hauteur de l’importance de la noce. Ce « croquembouche », imaginé par le célèbre pâtissier Antonin Carême au 19è siècle, était à l’origine un monticule de cerises, quartiers d’oranges, noix ou marrons glacés collés par du caramel. Ils ont été remplacés par des choux à la crème un siècle plus tard. Deux cents ans après Carême, on peut aussi, à la Ich&Kar, l’envisager d’une quarantaine de Gaperons, ces petites boules de lait cru aromatisé à l’ail et au poivre, qui ressemblent étrangement à de petits choux floqués de sucre glace.
Accumulation
Quand les Français se marient, ils ont pour habitude de terminer le repas de noces par une pièce montée. Empilage de gâteaux surmontés d’un petit couple factice, cette pâtisserie monumentale est toujours sujette à beaucoup d’attention. Clairement inspirée de formes architecturales, la pièce montée classique est faite d’un subtil empilage de choux garnis de crème. La taille de cette pyramide festive est en général à hauteur de l’importance de la noce. Ce « croquembouche », imaginé par le célèbre pâtissier Antonin Carême au 19è siècle, était à l’origine un monticule de cerises, quartiers d’oranges, noix ou marrons glacés collés par du caramel. Ils ont été remplacés par des choux à la crème un siècle plus tard. Deux cents ans après Carême, on peut aussi, à la Ich&Kar, l’envisager d’une quarantaine de Gaperons, ces petites boules de lait cru aromatisé à l’ail et au poivre, qui ressemblent étrangement à de petits choux floqués de sucre glace.
Pattern
Le sculpteur a toujours attaqué toutes sortes de matières. Fer, bois, pierre, marbre, fruit, nacre… Alors pourquoi pas le frometon ? Tirant toute son inspiration de la chose épluchée – dans laquelle la Thaïlande excelle – ce cheese carving effeuille, sous le coup du scalpel de Krai, mimolette, Echourgnac et tomme crayeuse. Gravées, sacrifiées, les meules saillies de Tomme de yenne et de Beaufort deviennent des monuments d’architecture. Le fromage s’avère lui aussi une jolie matière à buriner. En cave aussi, le temps intervient sur ces visages de lait. Krai matérialise ces longs mois, de sa scarification artistique.
Totem
Ces totem puisent dans l’art primitif qui a toujours inspiré les contemporains, le design et autres disciplines. Ces belles formes naturelles et croûtées font un clin d’œil à ces cultures ancestrales qui continuent à nous nourrir, l’esprit comme l’estomac. Dans le fromage, la croûte est une délicate question. Cette enveloppe protectrice qui se forme au cours de la maturation, s’épaissit ou se fripe avec les semaines. Mais elle reste active dans la nature et la typicité du fromage. A la dégustation, elle divise le gourmet en deux clans : l’amateur la considère comme indispensable. Le néophyte, rebuté, la repousse discrètement dans le coin de son assiette. Le débat entre les croûtes et les anti croûtes n’est jamais clos. Reste que, inévitablement, le fromage possède une sacré « gueule ». En France, chaque fin de repas marque un rituel: avant le dessert, c’est fromage. Ces totems à la gloire de la géométrie et des goûts du fromage nous racontent un tas d’histoires. Ce sont des sculptures alimentaires symboliques. Elles s’imposent notamment l’esprit gardien d’une culture ancestrale de fabrication, reproduite immuablement dans les régions françaises depuis des siècles.
Totem
Ces totem puisent dans l’art primitif qui a toujours inspiré les contemporains, le design et autres disciplines. Ces belles formes naturelles et croûtées font un clin d’œil à ces cultures ancestrales qui continuent à nous nourrir, l’esprit comme l’estomac. Dans le fromage, la croûte est une délicate question. Cette enveloppe protectrice qui se forme au cours de la maturation, s’épaissit ou se fripe avec les semaines. Mais elle reste active dans la nature et la typicité du fromage. A la dégustation, elle divise le gourmet en deux clans : l’amateur la considère comme indispensable. Le néophyte, rebuté, la repousse discrètement dans le coin de son assiette. Le débat entre les croûtes et les anti croûtes n’est jamais clos. Reste que, inévitablement, le fromage possède une sacré « gueule ». En France, chaque fin de repas marque un rituel: avant le dessert, c’est fromage. Ces totems à la gloire de la géométrie et des goûts du fromage nous racontent un tas d’histoires. Ce sont des sculptures alimentaires symboliques. Elles s’imposent notamment l’esprit gardien d’une culture ancestrale de fabrication, reproduite immuablement dans les régions françaises depuis des siècles.
Rococo
Ces pièces forment des bas reliefs qui ne sont pas sans rappeler les classiques des arts décoratifs français. L’univers rococo de Versailles, les roseraies des jardins à la française, autant d’évocations entre la croûte et la pâte. Ces objets abstraits de décoration, vouent un culte au seul fromage, déplaçant ce produit laitier dans le sacré(ment bon).
Parce qu’il est une pratique sociale coutumière, le repas est avant tout chargé de symboles. Le Français entend par repas le cérémonial suivant : il commence par un apéritif et termine par un digestif, avec entre les deux au moins quatre plats, à savoir une entrée, du poisson et/ou de la viande avec des légumes, du fromage et un dessert. Il n’est donc pas trop question de choisir. Avant de passer au sucré, un plateau garni de Camembert, Comté, Pont l’Evêque et autres Brie odorants de toutes sortes, de toutes couleurs et de toutes formes circule entre les convives. C’est un rituel.
Les pièces montées sont un hymne à ce moment. Elles racontent diverses facettes du patrimoine bleu blanc rouge et honorent la diversité de la culture. Antonin Carême, pâtissier français un peu fantasque, aussi cultivé en architecture que calé en gâteaux, a inventé au XIXe siècle la pièce montée dans sa première boutique rue de la Paix, « la Pâtisserie ». Il pose d’emblée aux frontières de l’architecture cet objet culinaire aux formes inspirées de constructions en pierre et faites de sucre, de nougats, de pâtes d’amandes et de meringues. Il pose les bases de la grande pâtisserie à la française, généreuse, éloquente et créative.
Rendant hommage au patrimoine national, les graphistes Ich&Kar et le photographe Jean-Jacques Pallot créent une série complètement inédite. Ils détournent volontairement cette idée très sucrée pour la déplacer dans l’avant dessert. Les deux univers se frôlent d’ailleurs tellement que parfois ils se superposent. L’art culinaire prend ici tout son sens propre. Pièces Montées porte en adoration l’univers fromager, évocateur tant de traditions historiques, que de savoirs faire artisanaux et d’une culture distinctive. Quand l’art n’est autre que l’expression du rayonnement culturel.
Textes de Cécile Cau
Cette série a été exposé a Paris et New York.