
Comment évolue la Biennale Émergences ?
Véronique Maire : La Biennale Émergences a vu le jour à Pantin pour soutenir les artisans d’art, parmi lesquels certains étaient
accompagnés par la municipalité pour obtenir des ateliers dans le quartier des Quatre chemins. Lorsqu’il est passé sous la compétence d’Est Ensemble, l’événement a gardé sa vocation de soutien et de valorisation, avec un regard élargi sur l’ensemble du territoire et une ambition culturelle.
Nous avons adopté le parti pris d’une exposition podium comme lors de la précédente édition, à la fois pointue dans sa sélection, mais aussi plus accessible, grâce à un accent porté sur le « comment c’est fait ».
Helena Ichbiah : Nous avons envisagé cette nouvelle édition comme une suite augmentée de nouveaux talents à découvrir dans un parcours étoffé. Notre volonté, c’est de montrer à quel point les métiers de la création accompagnés des métiers d’art, sont variés, éclectiques et riches, avec de véritables pépites et trésors rarement montrés.

Détourner, aborder la mémoire, ou co-construire avec le vivant pour proposer des façons d’imaginer le monde de demain.















La technologie se met au service de la poésie. Les tissages de Chloé Bensahel s’animent au toucher. Lucas Zito imprime en 3D des luminaires de plastique recyclé. Studio Quiproquo explore la seconde vie des composants d’ordinateur portable. Studio Noff amalgame porcelaine et coquilles d’huîtres et Alec Vivier-Reynaud utilise
les organismes fongiques pour créer des typographies éphémères. L’époque est cryptée. Lou Motin transforme le rapport du GIEC en fragments indéchiffrables. Joris Héraclite Valenzuela collecte la peau des immeubles et l’air du temps. Jules Goliath élève des monuments à la ville. L’esthétique est soit minimale, comme dans le mobile de Bastien Mairet, ou les objets de métal de Marion Mezenge. Soit maximale, comme le lustre à pampille revisité par Marion Mailaender, les céramiques freak de Raphaël Serres et les objets images de Jean-Baptiste Durand. Le futur est déjà présent.














Toujours remis sur l’ouvrage, les savoir-faire traditionnels sont questionnés par des créateurs qui innovent en termes de dessins et de techniques.






Les métiers s’hybrident, comme chez Atelier ST qui applique au vitrail les procédés de la sérigraphie. Grégory Lacoua ou le couple créatif Atelier Noue qui font dialoguer les techniques traditionnelles et
industrielles de la tapisserie, menuiserie, ébénisterie, serrurerie et du design.
Les pratiques s’affinent. P+L studio, Atelier Dreieck et Studio Poudre valorisent la matière selon des approches toujours plus créatives. L’Établissement repense le mobilier bois. Laurel Parker Book up-grade le washi et Julia Trofimova pratique le tufting comme un art. Il ne s’agit pas de faire bien, mais mieux.









La nature continue d’inspirer. Pour ses matériaux et ses textures. Pour ses formes
et ses images.







La terre parle toutes les langues. Holistique chez Sarah Mauvilly. Brutaliste chez Alice Trescarte. Ornementaliste chez Fanny Richard. Elle dialogue avec le papier auprès de Céline Wright et Johan Després ; avec bois et corde pour le mobilier de Materra Matang. Luce Couillet élève des totems textiles, Cédric Breisacher sculpte le bois sans en perdre un copeau. Côté design, la ligne peut être organique pour Abel Cárcamo Segovia et Julie Bergeron, ou zoomorphique pour Atelier Baptiste & Jaïna. Les paysages et les territoires inspirent des motifs jusqu’à l’abstraction sur le textile de Christine Phung et Célia Nkala, dans les tapisseries de Colombe Salvaresi. La nature est croquée toute crue.















Un travail d’orfèvre qui a trait au temps et à la minutie. Des savoir-faire de haute voltige qui capturent l’attention et fascinent par la délicatesse palpable de leur conception à la fabrication.






Ici, c’est du note à note. Les finitions sont précieuses. Le mobilier de Quentin Vuong vibre. Les sculptures textiles de l’Atelier Font& Romani, Christine Mathieu et de Xavier Brisoux appartiennent à une autre dimension. Les céramiques d’Audrey Schaditzki sont des palettes d’argile. Chaque fois, le savoir-faire est repoussé dans ses retranchements. Eudes Menichetti fait de la marqueterie avec des matériaux pauvres. ansu studios transcende et crée des mondes métaphoriques en plumes. La Compagnie du Verre transforme à froid toutes les facettes du verre. Ce n’est plus de l’artisanat, mais du grand art.











Less is more où l’évidence n’est jamais banale. Les lignes claires racontent une volonté d’épure, dans des objets Haïkus, extrêmement justes et bien pensés pour obtenir avec un minimum de moyens, un maximum d’effet…






Le réemploi rentre ainsi dans une logique de création. César Bazaar transforme les déchets de papier en carreaux ; Théo Charasse, les bouteilles de verre en éléments de structure ; Pauline Androlus compose avec des panneaux de textile recyclé pierreplume® et Studio Lauma sublime les matériaux pauvres. Chez Pierre Lapeyronnie, Guillaume Delvigne, Hermine Torikian et Laure Philippe, toute l’évidence est dans l’écriture. La simplicité est gage d’efficacité.












Les propositions détournent les techniques industrielles, ou questionnent la production en série, avec un seul objectif en tête : échapper aux standards.
L’expérimentation est au cœur du propos. Jonathan Cohen réintroduit le décor dans le mobilier avec des impressions au tampon. Stéven Coëffic travaille la céramique comme
la bakélite au début du XXe siècle. Et dans sa nouvelle collection avec Bram Vanderbeke, Wendy Andreu explore les possibilités de l’aluminium. La singularité est une marque de fabrique. La chaise de Jean Couvreur semble fragile comme du papier, alors que celle de Prisca Razafindrakoto, un modèle iconique, se transforme avec magie. Les carreaux de Baptiste Vandaele sont fabriqués à la chaîne pour être posés d’une façon unique. Pour durer, il faut faire la différence.















